André MARTINIE Président Freelance.com / Provigis Adhérent de l'Observatoire COM MEDIA |
Les
situations de dépendance économique sont à regarder sous deux angles de vue
distincts :
LA
DÉPENDANCE VOULUE
LA
DÉPENDANCE SUBIE
LA
DÉPENDANCE VOULUE :
La
dépendance voulue caractérise une relation dans laquelle le DO impose à son
fournisseur une exclusivité dans son domaine professionnel, lui interdisant de
développer ses services pour des concurrents.
Cette
situation n'appelle pas de commentaire particulier, si ce n'est que l'on ne
peut que recommander au fournisseur de profiter d'une relation confortable
d'exclusivité pour tenter de développer ses compétences hors du secteur
économique de son client exclusif, quand c'est possible.
Néanmoins,
pour des entreprises de très petite taille, les solutions de sortie de
dépendance exposées ci-dessous doivent pouvoir être opérantes.
LA
DÉPENDANCE SUBIE :
La
dépendance économique subie caractérise les situations bien plus fréquentes
dans lesquelles :
- Soit le fournisseur est en dépendance économique et
cherche à en cacher ou retarder la prise de conscience par le DO;
- Soit de DO est conscient du fait de dépendance et se
sent piégé par les conséquences éventuelles de toute variation
significative du volume d'affaires confié au fournisseur.
Dans
les deux cas, il est fréquent que chacun pense avoir intérêt à "cacher sa
copie" à l'autre (expression que j'emprunte à au médiateur Robic), avec
pour résultat qu'au moment où des décisions doivent être prises, il est
généralement trop tard ou bien elles se prennent dans la douleur avec des
conséquences de perte de confiance, de destruction d'emploi et de savoir-faire
bien plus irréversibles que si elles avaient été anticipées.
Le
cas le plus fréquent que nous constatons sur les milliers de missions que nous
signons chaque année, est quand un fournisseur passe de l'état de non
dépendance à celui de dépendance "à l'insu de son plein gré", soit
parce que le DO lui confie de plus en plus de travail, soit parce que d'autres
clients quittent le fournisseur qui se trouve alors arithmétiquement en
situation de dépendance avec les DO qui restent, ces derniers ne pouvant détecter
eux-mêmes la situation. J'appelle ce cas "la dépendance exogène".
C'est
ce cas qui est le plus anxiogène chez le fournisseur d'une part, et qui n'est
détectable par les autres DO que lorsque les comptes du fournisseur sont
déposés X mois plus tard, avec un effet de lissage qui occulte partiellement la
situation réelle. Le DO, lorsqu'il en prend conscience à son tour, a le
sentiment d'avoir été trompé par un fournisseur qui pendant des mois a caché
"de mauvaise foi" un fait susceptible de lui générer des droits au
détriment du DO de bonne foi. La réaction du DO est d'autant plus brutale qu'il
a le sentiment d'avoir été trompé.
Les
fournisseurs touchés par ce genre de situation sont très majoritairement des
TPE et des petites PME, avec des conséquences rapidement dramatiques et une
destruction de valeur et d'emplois irréversibles.
Mon
point de vue est qu'il faut créer des conditions nouvelles, des pratiques
nouvelles d'anticipation et de prévention des situations de dépendance,
notamment de "dépendance exogène" qui permettent aux parties de
réduire et ou de lisser les effets destructeurs évoqués ci-dessus. Bien
entendu, ni la Médiation ni la Charte n'ont la fonction de se substituer à un
management défaillant, celui qui par exemple, se sachant en situation de
dépendance économique ne prend aucune mesure d'action commerciale notamment
pour en sortir.
RECOMMANDATIONS
:
Alors
comment limiter les risques, du point de vue des DO ?
- Dispositif existant à la portée de tous : Au moment,
mais juste avant la contractualisation, quand le volume d'affaire
potentiellement confié au petit fournisseur dépasse d'entrée de jeu 15% de
son CA de N-1, faire passer le fournisseur par un "intégrateur de PME
& TPE" en s'assurant que ce dernier a bien, dans ses fonctions
d'intégrateur, une capacité réelle à aider les PME & TPE concernées à
chercher et trouver des missions qui relèvent de leurs domaines de
compétence. C'est notamment le cas des intégrateurs qui ont simultanément
une place de marché (freelance.com par
exemple dans la prestation intellectuelle) qui publie simultanément des
missions ET des listes d'intercontrats. Dans cette configuration, le petit
fournisseur est en permanence "nourri" par des propositions de
nouvelles missions potentielles et ne peut, s'il lui en prenait l'envie,
valablement arguer plus tard d'une dépendance économique imposée. Cette
mesure nous semble la plus efficiente tant sur le plan de l'anticipation
que sur le plan de la réduction des risques, pour les deux parties.
- Dispositif existant chez certains DO ayant déjà une
culture RSE assez mature :
- Que le DO oblige ses
process internes à donner au fournisseur une visibilité de 3 à 6 mois au
fournisseur, de telle sorte que notamment, le fournisseur sache au moins
3 mois à l'avance que sa mission va prendre fin. En l'absence de
"bonnes pratiques" encadrant ce dispositif, il peut être
facilement dénaturé par des échelons intermédiaires hors de la vue des
directions centrales des achats.
- Un programme du DO (
exemple La Poste Lab) pour promouvoir les plus méritants des petits
sous-traitants. Cette approche convient aux meilleurs, mais n'est pas une
solution pour les autres qui sont les plus nombreux et tout aussi
indispensables. C'est une solution utile, mais partielle.
- Dispositifs inexistants sur lequel nous proposons de
travailler :
- Améliorer la détection
des risques de dépendance économique par une collecte d'information plus
fréquente (semestrielle) sur le CA des sous-traitants. Cette information
est la clé de tout système de détection avancée. Sa collecte n'ayant à ce
jour aucune justification légale, si elle est imposée par le DO, elle
sera ressentie comme intrusive si elle n'est pas accompagnée d'un
engagement du DO en contrepartie de la transparence donnée par le
fournisseur. Le rôle de la Médiation et de Commedia est à notre sens
fondamental dans cette perspective pour créer des conditions de confiance
constructive.
Comment
limiter les risques du point de vue des fournisseurs ?
- Dispositifs existants à la portée de toutes les TPE et
PME :
- Maximiser le recours
aux places de marchés qui publient des missions de manière à être en
mesure de prendre rapidement des mesures de substitution de clients
perdus.
- Idem pour les places de
marchés qui permettent de réduire l'effet des "intercontrats".
- Variabiliser une part
de leur activité par le recours partiel à des freelances ou consultants
en portage salarial.
- Dispositifs inexistants sur lequel nous proposons de
travailler :
- Entre les fournisseur
et le DO, en échange d'un niveau d'information (CA semestriel) plus
précis et plus fréquent pour monitorer la dépendance économique, le
fournisseur devrait alors obtenir du DO une meilleure visibilité sur
l'évolution du carnet de commandes "à minima" pour porter par
exemple sa visibilité réelle à 6 mois. (Le délai pouvant varier selon les
métiers). Il nous semble indispensable qu'un tel dispositif relève d'un
engagement public (via la Charte) de la part du DO et qu'il fasse l'objet
de clauses spécifiques dans les contrats. Le rôle de la Médiation et
de Commedia est à notre sens fondamental dans cette perspective pour
créer des conditions de confiance constructive.
André MARTINIE
Président de. Freelance.com et de Provigis
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