vendredi 26 avril 2013

Dépendance économique : l'analyse


André MARTINIE
Président Freelance.com / Provigis
Adhérent de l'Observatoire COM MEDIA
Les situations de dépendance économique sont à regarder sous deux angles de vue distincts :

LA DÉPENDANCE VOULUE
LA DÉPENDANCE SUBIE


LA DÉPENDANCE VOULUE :

La dépendance voulue caractérise une relation dans laquelle le DO impose à son fournisseur une exclusivité dans son domaine professionnel, lui interdisant de développer ses services pour des concurrents.
Cette situation n'appelle pas de commentaire particulier, si ce n'est que l'on ne peut que recommander au fournisseur de profiter d'une relation confortable d'exclusivité pour tenter de développer ses compétences hors du secteur économique de son client exclusif, quand c'est possible.

Néanmoins, pour des entreprises de très petite taille, les solutions de sortie de dépendance exposées ci-dessous doivent pouvoir être opérantes.

LA DÉPENDANCE SUBIE :

La dépendance économique subie caractérise les situations bien plus fréquentes dans lesquelles :

  • Soit le fournisseur est en dépendance économique et cherche à en cacher ou retarder la prise de conscience par le DO;
  • Soit de DO est conscient du fait de dépendance et se sent piégé par les conséquences éventuelles de toute variation significative du volume d'affaires confié au fournisseur.

Dans les deux cas, il est fréquent que chacun pense avoir intérêt à "cacher sa copie" à l'autre (expression que j'emprunte à au médiateur Robic), avec pour résultat qu'au moment où des décisions doivent être prises, il est généralement trop tard ou bien elles se prennent dans la douleur avec des conséquences de perte de confiance, de destruction d'emploi et de savoir-faire bien plus irréversibles que si elles avaient été anticipées.

Le cas le plus fréquent que nous constatons sur les milliers de missions que nous signons chaque année, est quand un fournisseur passe de l'état de non dépendance à celui de dépendance "à l'insu de son plein gré", soit parce que le DO lui confie de plus en plus de travail, soit parce que d'autres clients quittent le fournisseur qui se trouve alors arithmétiquement en situation de dépendance avec les DO qui restent, ces derniers ne pouvant détecter eux-mêmes la situation. J'appelle ce cas "la dépendance exogène".
C'est ce cas qui est le plus anxiogène chez le fournisseur d'une part, et qui n'est détectable par les autres DO que lorsque les comptes du fournisseur sont déposés X mois plus tard, avec un effet de lissage qui occulte partiellement la situation réelle. Le DO, lorsqu'il en prend conscience à son tour, a le sentiment d'avoir été trompé par un fournisseur qui pendant des mois a caché "de mauvaise foi" un fait susceptible de lui générer des droits au détriment du DO de bonne foi. La réaction du DO est d'autant plus brutale qu'il a le sentiment d'avoir été trompé.

Les fournisseurs touchés par ce genre de situation sont très majoritairement des TPE et des petites PME, avec des conséquences rapidement dramatiques et une destruction de valeur et d'emplois irréversibles.

Mon point de vue est qu'il faut créer des conditions nouvelles, des pratiques nouvelles d'anticipation et de prévention des situations de dépendance, notamment de "dépendance exogène" qui permettent aux parties de réduire et ou de lisser les effets destructeurs évoqués ci-dessus. Bien entendu, ni la Médiation ni la Charte n'ont la fonction de se substituer à un management défaillant, celui qui par exemple, se sachant en situation de dépendance économique ne prend aucune mesure d'action commerciale notamment pour en sortir. 


RECOMMANDATIONS : 

Alors comment limiter les risques, du point de vue des DO ?

  • Dispositif existant à la portée de tous : Au moment, mais juste avant la contractualisation, quand le volume d'affaire potentiellement confié au petit fournisseur dépasse d'entrée de jeu 15% de son CA de N-1, faire passer le fournisseur par un "intégrateur de PME & TPE" en s'assurant que ce dernier a bien, dans ses fonctions d'intégrateur, une capacité réelle à aider les PME & TPE concernées à chercher et trouver des missions qui relèvent de leurs domaines de compétence. C'est notamment le cas des intégrateurs qui ont simultanément une place de marché (freelance.com par exemple dans la prestation intellectuelle) qui publie simultanément des missions ET des listes d'intercontrats. Dans cette configuration, le petit fournisseur est en permanence "nourri" par des propositions de nouvelles missions potentielles et ne peut, s'il lui en prenait l'envie, valablement arguer plus tard d'une dépendance économique imposée. Cette mesure nous semble la plus efficiente tant sur le plan de l'anticipation que sur le plan de la réduction des risques, pour les deux parties.
  • Dispositif existant chez certains DO ayant déjà une culture RSE assez mature : 
    • Que le DO oblige ses process internes à donner au fournisseur une visibilité de 3 à 6 mois au fournisseur, de telle sorte que notamment, le fournisseur sache au moins 3 mois à l'avance que sa mission va prendre fin. En l'absence de "bonnes pratiques" encadrant ce dispositif, il peut être facilement dénaturé par des échelons intermédiaires hors de la vue des directions centrales des achats.
    • Un programme du DO ( exemple La Poste Lab) pour promouvoir les plus méritants des petits sous-traitants. Cette approche convient aux meilleurs, mais n'est pas une solution pour les autres qui sont les plus nombreux et tout aussi indispensables. C'est une solution utile, mais partielle.
  • Dispositifs inexistants sur lequel nous proposons de travailler : 
    • Améliorer la détection des risques de dépendance économique par une collecte d'information plus fréquente (semestrielle) sur le CA des sous-traitants. Cette information est la clé de tout système de détection avancée. Sa collecte n'ayant à ce jour aucune justification légale, si elle est imposée par le DO, elle sera ressentie comme intrusive si elle n'est pas accompagnée d'un engagement du DO en contrepartie de la transparence donnée par le fournisseur. Le rôle de la Médiation et de Commedia est à notre sens fondamental dans cette perspective pour créer des conditions de confiance constructive.

Comment limiter les risques du point de vue des fournisseurs ?

  • Dispositifs existants à la portée de toutes les TPE et PME : 
    • Maximiser le recours aux places de marchés qui publient des missions de manière à être en mesure de prendre rapidement des mesures de substitution de clients perdus.
    • Idem pour les places de marchés qui permettent de réduire l'effet des "intercontrats".
    • Variabiliser une part de leur activité par le recours partiel à des freelances ou consultants en portage salarial.
  • Dispositifs inexistants sur lequel nous proposons de travailler : 
    • Entre les fournisseur et le DO, en échange d'un niveau d'information (CA semestriel) plus précis et plus fréquent pour monitorer la dépendance économique, le fournisseur devrait alors obtenir du DO une meilleure visibilité sur l'évolution du carnet de commandes "à minima" pour porter par exemple sa visibilité réelle à 6 mois. (Le délai pouvant varier selon les métiers). Il nous semble indispensable qu'un tel dispositif relève d'un engagement public (via la Charte) de la part du DO et qu'il fasse l'objet de clauses spécifiques dans les contrats. Le rôle de la Médiation et de Commedia est à notre sens fondamental dans cette perspective pour créer des conditions de confiance constructive.
La création d'une vraie base de données des compétences de PME et TPE, disponible pour les DO et permettant aux petits fournisseurs de faire l'économie de lourds salaires commerciaux dont l'absence rend bien plus difficile la diversification de la clientèle et par conséquent augmente la fréquence et la durée des situations de dépendance économique. Plusieurs tentatives se sont soldées par des échecs : Les TPE et PME, trop rivées sur l'extrême court terme n'ont aucune constance dans ce type d'effort qui demande de la rigueur et de la patience. Seuls les freelances, via leur indispensable CV contituent une population dont les compétences sont réellement "online". Dès qu'on arrive en mode TPE et plus, c'est fini, mais nous avons des idées sur le sujet (à développer).

André MARTINIE
Président de. Freelance.com et de Provigis

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