mercredi 22 mai 2013

La médiation interentreprises tarde à prendre ses marques


La médiation interentreprises propose un mode de résolution des conflits rapide et efficace.
Pourtant, cette solution gratuite et confidentielle est encore peu connue des entreprises.


Il y a ceux qui l'ont testée et semblent pour le moins convaincus. Et ceux, bien plus nombreux, qui ne connaissent pas la médiation interentreprises, pourtant créée il y a quelque trois ans. Relevant aujourd'hui du ministère du Redressement productif, cette structure d'une quarantaine de médiateurs se tient à la disposition des entreprises pour les aider à résoudre leurs conflits. Gracieusement.
Le principe ? Plutôt que de se tourner vers les instances judiciaires, les entreprises s'adressent au médiateur. Ni juge, ni arbitre, ni même expert, mais « neutre, impartial et indépendant », celui-ci les aide à trouver une solution mutuellement acceptable à leur différend. « La médiation offre un mode de résolution des conflits efficace et gratuit pour les entreprises… C'est un outil extraordinaire de changement des comportements : nous sommes là pour faire évoluer les gens du mode de la confrontation à celui de la collaboration », explique avec enthousiasme le médiateur national des relations interentreprises depuis novembre dernier, Pierre Pelouzet. «  C'est un vrai challenge dans un pays comme la France où, traditionnellement nous sommes davantage dans le conflit - et la loi du plus fort. »
En filigrane, sont avant tout visés les conflits entre de grandes entreprises et leurs fournisseurs PME. Délais de paiement, incidents contractuels, marges avant ou marges arrière, etc., nombreux sont les éléments de désaccord. « Les relations professionnelles sont souvent déséquilibrées en France. Les grandes entreprises, souvent basées à Paris, ont du mal à créer du lien et échanger avec les PME, basées en province : l'immense majorité de nos médiations intervient dans ce cadre. Nous aidons à rééquilibrer, réhumaniser des relations entre petites, moyennes et grandes entreprises : ces dernières doivent impérativement prendre conscience de l'impact que leur comportement peut avoir sur des petites structures », explique Pierre Pelouzet. Selon lui, les difficultés apparaissent à tout moment, à l'application d'un contrat comme dans le déroulement ou l'interruption de celui-ci. Et tous les secteurs d'activité sont concernés, de l'industrie (40 % des affaires) - à l'origine, secteur le plus touché - au luxe, services, grande distribution, énergie, santé, etc. « Les médiations portant sur les délais de paiement - qui représentent entre 30 et 40 % des dossiers que nous recevons - sont en général simples et rapides, car il s'agit simplement de faire respecter la loi »,précise le médiateur.



Rapide et économique

Les atouts de la démarche sont nombreux. En termes de calendrier, tout d'abord. Alors que les procédures judiciaires s'estiment en années, il est, là, question de semaines, voire de jours. «  Cela peut prendre une heure s'il s'agit d'un simple malentendu, mais, en général, les médiations aboutissent dans un délai moyen de quinze jours à trois mois », relève Pierre Pelouzet. Par ailleurs, dans la formule proposée par l'Etat, la médiation est gratuite «… alors qu'il faut compter 50.000 et 100.000 euros par partie et par instance pour un conflit judiciaire. Les entreprises ne peuvent pas se le permettre », rappelle Charles Coutier, ancien dirigeant de Coutier Industrie, qui a fait appel à la médiation une quinzaine de fois au cours des trois dernières années (voir exemple complet sur le Web). En termes de réputation, également, puisqu'elle est confidentielle. Enfin, et surtout, la médiation permet la poursuite des relations commerciales entre les partenaires un temps fâchés… « Le médiateur est là pour ménager les deux côtés. J'ai non seulement gardé ma relation commerciale avec mon client, mais, depuis la médiation, nous avons signé de nouvelles licences, pour de nouveaux modules », explique Bruno Péau, PDG de l'éditeur de logiciels WinLog, qui a été sauvé par la médiation, alors que son entreprise était sur le point de mettre la clef sous la porte à la suite d'un désaccord commercial avec l'un de ses principaux clients (voir exemple complet sur le Web). La clef du succès ? « Mettre des gens autour d'une table pour qu'ils se parlent et s'écoutent permet de résoudre les conflits, car on réintroduit de l'humain dans la relation commerciale. Les grandes entreprises et les PME évoluent dans des mondes différents, avec des unités de travail, des échelles, sans rapport. Il faut ramener chacun dans le monde de l'autre… », assure Pierre Pelouzet. Et çamarche : le taux de réussite affiché par le médiateur interentreprises atteint 80 %.« Nous recevons plusieurs centaines de dossiers par mois. Compte tenu des médiations menées avec des fédérations ou des syndicats et des médiations de branche, nous avons aidé plus de 230.000 entreprises en trois ans. »
Pourtant, la médiation reste très confidentielle. « Autour de 40 % des dirigeants d'entreprise ignorent encore son existence », juge Pierre Pelouzet. Au-delà de l'ignorance, il y a aussi la méconnaissance. «  Beaucoup de responsables de PME redoutent des mesures de rétorsion de la part de leurs clients… Dans la réalité, c'est faux : il n'y a ni rétorsion ni "black-listage" après une médiation. Il y a plutôt une augmentation des relations commerciales, car elles repartent sur de meilleures bases », explique Pierre Pelouzet. Beaucoup de pédagogie et d'évangélisation semblent donc encore nécessaires.

par Cécile Desjardins Copyright Les Echos

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